Les chroniques d’Hippolyte

#3 – Le lapin et la croix (Avril 2023)

Lorsque j’étais enfant, nous demeurions en face de l’église où nous assistions tous les dimanches à la messe. J’ai reçu tous les sacrements, du baptême au mariage. À ce temps de l’année, j’ai souvent participé à la Marche du Pardon, le vendredi Saint, dans les rues silencieuses de Lachine… À 3 heures, ce jour-là, je pensais à Lui, mourant sur sa croix. Puis, à l’adolescence, la vie m’a amenée à penser d’une autre façon et à regarder la religion de loin. Si bien qu’aujourd’hui. je suis ailleurs. Certains diront que je suis du côté obscur (païen) de la Force. Du côté du chocolat.

C’est pas faux.

La religion n’a pas eu vraiment de mauvais dans ma jeune vie, j’en ai plutôt retiré de belles valeurs et surtout, de magnifiques souvenirs, particulièrement à Pâques. La maison décorée, la table festive, la grande vaisselle, les beaux habits, les gourmandises: noix de coco, ananas et fraises, bonnes bouteilles de mousseux, jambon à l’os, saumon fumé…le menu n’a guère changé aujourd’hui. Il y avait un faste à Pâques, autant qu’à Noël.

Et il y avait du chocolat. Plus qu’on ne pouvait en manger.

Pâques était jour de fête et d’abondance, après un carême éprouvant pour moi.

Il y avait la messe, ensuite la famille et le banquet. Ma petite robe de dentelles, mon chapeau et mes gants. Je n’ai pas le souvenir qu’il neigeait à Pâques dans ce temps-là, étrange…

Trente ans plus tard, n’y a-t-il que des souvenirs tendres pour m’émouvoir en cette période de l’année?

Comment fêter ce jour avec mes enfants, à qui je n’ai pas tout expliqué de la signification de la croix et de l’homme qui y agonise? Car Pâques, c’est cela: la résurrection. Mais pour mes bambins qui sont étrangers à cette histoire, que représente cette fête? Les réponses à ces questions se sont imposées d’elles-même au fil des ans.

Sous mon toit, avec parents, amis et enfants, on célèbre Pâques comme le début du printemps, le renouveau, la renaissance. Celle de la nature, de notre santé, de nos émotions. On se retrouve avec ceux qu’on aime, ceux qu’on n’a pas vu depuis Noël. On ressent le besoin d’ouvrir les fenêtres, de respirer un grand coup, de trinquer.

De manger du chocolat.

Oui, mes enfants aiment la chasse aux cocos. C’est une tradition. Mais cette tradition doit impérativement s’accompagner de grandes valeurs, sinon elle n’a aucune raison d’être. La marmaille doit comprendre l’importance de la famille, du partage, du pardon, de l’acceuil que l’on fait aux invités, de l’attention que l’on porte à la fête.

Les lapins en chocolat sont-ils incompatibles avec le pan religieux que beaucoup de québécois ne soulignent plus? Ma réflexion me pousse à croire que si j’aime mon prochain, que si j’inculque à mes enfants la valeur de la vie, du bien être de soi et d’autrui ainsi que le respect universel, je ne dois pas être très loin des préceptes de l’Église à ce chapitre.

Pour la question de la commercialisation des fêtes, comme Noël ou Pâques, étant moi-même commerçante, je ne peux m’en plaindre. Mais faut-il remplacer l’amour et la bienveillance par le chocolat ou tout autre cadeau, poser la question c’est y répondre.

Les rites religieux s’entrecroisent avec les traditions populaires et au fil des époques, ce métissage de croyances est somme toute joyeux. Nous avons besoin de nous rassembler. De nous créer des occasions de nous souhaiter de bons voeux. L’humain est une bibitte sociale; la pandémie des dernières années nous l’aura confirmé. Pour tous ceux qui n’ont pas les moyens, la santé ou l’envie de se livrer à ces dépenses non-essentielles, il n’en coûte presque rien de dire « je t’aime, merci d’être là, je t’apprécie ». Ça se dit à Pâques, à la Fête des Mères et même à l’Halloween, sans chichi ni papier d’emballage. Sans bouquets de fleurs délirants ou de gâteaux douze étages parfumé au champagne. Ça se passe entre deux coeurs (ou plus), simplement, tendrement, avec humour et sincérité.

Chez nous, cette année, il y aura encore du chocolat, des ananas et des noix de coco.

Mais plus que tout, il y aura encore des « je t’aime » à profusion.

Magali

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