Les chroniques d’Hippolyte

#13 – Deux ans (Mars 2024)

En mars 2022, j’ouvrais les portes de mon commerce. Avec ma famille, nous sautions à pieds joints dans l’aventure de Chez Hippolyte Café & Boutique. Mes enfants avaient alors 3, 5 et 8 ans. Les mois défilèrent à grande vitesse, à coup de fêtes, de projets et d’obligations.

Chaque mois, une nouvelle « grosse affaire » à gérer, tant sur le plan perso que professionnel. Oui, le temps passe vraiment vite. Car c’est bien beau les grands projets entrepreneuriaux, trois rejetons ça mange, ça grouille, ça va à l’école… Ouvrir un café-boutique + être mère et épouse = la « fameuse » conciliation travail-famille.

Donc, pour souligner ce deuxième anniversaire, j’ai envie de me faire un cadeau : je vais me lancer des fleurs. Et par le fait même, je vais vous en lancer également. Voici pourquoi. Dernièrement, je me lamentais auprès de mon homme parce que j’avais l’impression d’avoir échappé toutes mes balles : la maison n’était pas aussi bien tenue que dans mes rêves, j’accordais peu de temps aux devoirs, aux soupers, bref, ma présence à la maison n’était pas « de qualité ». Sans vraiment m’en rendre compte, je déposais sur les épaules robustes de papa toute la charge mentale de la maisonnée. Le travail m’avait accaparé, je craignais ne pas avoir été à la hauteur en abandonnant la famille.

Mon homme, si plein de sagesse et d’amour, m’a fait alors comprendre que les enfants étaient heureux et qu’avec eux, ils avaient trouvé une routine « sans moi ». Il me rassura : j’étais plus présente que ce que je pensais et mon travail leur apportait des expériences diverses qui leur plaisaient bien. Je ne m’occupais peut-être pas de tout dans la maison, mais je participais pour l’essentiel. Le plus important à mes yeux : mon homme me dit alors que personne ne m’en demandait davantage. Tous comprenaient, me soutenaient et m’aimaient : « On savait dans quoi tu t’embarquais, on était prêts ».

Il arrive un moment où on se sent étourdi. Je croyais, bien à tort, passer à côté de plein de choses importantes chaque fois que j’étais avec mes clients plutôt qu’avec mes enfants. J’en oubliais les bons côtés de tenir boutique à quinze minutes de la maison, plutôt que de me farcir quatre heures de voiture par jour pour travailler à Laval (si, si, je l’ai fait : deux heures le matin, deux heures le soir).

Je suis donc redescendue sur Terre, cessant de me faire des scénarios catastrophes où mes enfants, une fois adultes, me reprochent mon absence et me jettent à la figure combien ils ont détesté leur enfance « T’sais maman, dans le temps où tu tenais ton café ? T’étais jamais là. Tu nous obligeais à aller t’aider, on pouvait jamais partir en vacances à cause que tu devais travailler. C’était horrible. Tous nos amis partaient à Disney et nous, fallait travailler avec toi pendant les vacances… » Eille !

Sincèrement, je sais bien que mes enfants ne me feront jamais de tels reproches. Je mets beaucoup d’énergie pour que cette aventure soit positive dans leur vie. Le mélodrame se jouait dans ma tête. Après ma douce conversation avec mon homme, j’ai compris ce qu’eux, bien avant moi, avaient compris : je fais de mon mieux et je les aime tendrement. À la hauteur de mes capacités, et non de celles du voisin.

Donc, à toutes les mamans qui culpabilisent de laisser poupon à la garderie tôt le matin pour gagner leur vie. À tous les papas qui rentrent tard, manquent le souper et arrivent de justesse pour le bain, après s’être donné à fond « une heure de plus » au boulot. À tous les amoureux qui ne se sont pas vraiment parlé de la semaine, chacun submergé par ses préoccupations et trop fatigués pour discuter. À tous les membres de votre famille qui font de leur mieux et donnent le meilleur d’eux-mêmes. À tous les enfants qui comprennent. Je vous lance des fleurs.

Magali

 

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#12 – Le lapin et la croix (Février 2024)

Cette année, la fête de Pâques aura lieu à la fin mars, alors que nous aurons encore les deux pieds dans la neige. Lorsque j’étais enfant, nous demeurions en face de l’église où nous assistions à la messe chaque dimanche. J’ai reçu tous les sacrements, du baptême au mariage. À ce temps de l’année, je participais à la marche du Pardon, le Vendredi Saint, dans les rues silencieuses de Lachine et, à trois heures, je pensais à Lui, mourant sur sa croix. Puis, à l’adolescence, la vie m’a amenée à penser d’une autre façon et à regarder la religion de loin. Si bien qu’aujourd’hui, je suis ailleurs. Certains diront que je suis du côté obscur (païen) de la Force. Du côté du chocolat. C’est pas faux.

La religion n’a pas eu vraiment de mauvais dans ma jeune vie, j’en ai plutôt retiré de belles valeurs et surtout, de magnifiques souvenirs. Particulièrement à Pâques. Quelle journée faste chez nous! La maison décorée, la table festive, la grande vaisselle, les beaux habits. Et les gourmandises : c’était le seul matin de l’année où mon père cassait les noix de coco. À cela s’ajoutaient les fraises, les ananas, les bouteilles de mousseux, le saumon fumé, le jambon à l’os. Et il y avait du chocolat. Plus qu’on ne pouvait en manger. Pâques était jour d’abondance, après un carême éprouvant pour moi. Suivant la messe, toute la famille se rassemblait chez nous pour le banquet. Je portais fièrement ma robe de dentelles, mon chapeau et mes gants. Il me semble qu’il ne neigeait jamais à Pâques, dans ce temps-là et qu’il faisait déjà chaud. Étrange…

Trente ans plus tard, n’y a-t-il que des souvenirs tendres pour m’émouvoir en cette période de l’année? Comment fêter ce jour avec mes enfants, à qui je n’ai pas tout expliqué de la signification de la croix et de l’homme qui y agonise? Car Pâques, c’est cela : la résurrection. Mais pour mes bambins qui sont étrangers à cette histoire, que représente cette fête? Les réponses se sont imposées d’elles-mêmes au fil des ans.

Sous mon toit, on célèbre Pâques comme le début du printemps, le renouveau, la renaissance, celle de la nature, de notre santé, de nos émotions. On se retrouve avec ceux qu’on aime, ceux qu’on n’a pas vus depuis Noël. On ressent le besoin d’ouvrir les fenêtres, de respirer un grand coup. De manger du chocolat. Mes enfants adorent la chasse aux cocos et j’ai beaucoup de plaisir à l’organiser. C’est une tradition, mais une tradition qui doit impérativement s’accompagner de grandes valeurs. La marmaille doit comprendre l’importance de la famille, du partage, du pardon, de l’accueil qu’on fait aux invités, de l’attention portée à la fête.

Les lapins en chocolat sont-ils incompatibles avec le pan religieux que beaucoup de Québécois ne soulignent plus? Ma réflexion me pousse à croire que si j’aime mon prochain, que si j’inculque à mes enfants la valeur de la vie, du bien-être de soi et d’autrui ainsi que le respect universel, je ne dois pas être très loin des préceptes de l’Église à ce chapitre. Les rites religieux s’entrecroisent avec les traditions populaires et au fil des époques, ce métissage de croyances est somme toute joyeux. Nous avons besoin de nous rassembler, de nous créer des occasions de nous souhaiter de bons vœux. L’humain est une bibitte sociable; la pandémie des dernières années nous l’aura confirmé.

Pour tous ceux qui n’ont pas les moyens, la santé ou l’envie de se livrer à ces dépenses non essentielles, il n’en coûte rien de dire « je t’aime, merci d’être là, je t’apprécie ». Ça se dit à Pâques, à la Fête des Mères et même à l’Halloween, sans chichi ni papier d’emballage, sans bouquets de fleurs délirants ou de gâteaux parfumés au champagne. Ça se passe entre deux cœurs (ou plus), simplement, tendrement, avec humour et sincérité.

Chez nous, cette année, il y aura encore du chocolat, des ananas et des noix de coco. Mais plus que tout, il y aura encore des « je t’aime » à profusion. Joyeuses Pâques!

Magali

 

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#11 – Juste à Saint-Hippolyte? (Janvier 2024)

Si notre bien-aimé journal Le Sentier bouclera ses 40 ans ce printemps, Chez Hippolyte Café & Boutique soufflera deux belles grosses bougies en mars. Ouf. L’une des premières choses que je retiens de cette aventure est la sollicitude récurrente de nos clients ces derniers mois : « J’espère que ça va bien? » « Est-ce que les affaires marchent? » « On a tellement peur que vous fermiez, c’est pas facile à Saint-Hippolyte ».

Ah bon. Pas facile? À Saint-Hippolyte seulement? Les domaines de la restauration et de la vente au détail n’écopent-ils pas à la grandeur de la province? Je suis peut-être dans ma bulle, mais j’ai l’impression que nous, on s’en sort plutôt bien. Pourtant rien n’était moins sûr à l’ouverture!

Comme vous le savez, le charismatique JLR Bijoutier-Horloger, voisin de mon café, est mon frère Pascal. Nous avons ouvert ensemble et dès lors, avons reçu des commentaires qui auraient pu nous décourager, si nous n’avions pas été forts de notre expérience et de notre enthousiasme. En voici un échantillon :

« Ça ne marchera jamais ici! »

« On est juste à Saint-Hippolyte, pas à Saint-Sauveur! »

« Vous allez faire faillite dans pas long! On ne vous le souhaite pas, mais c’est possible… »

« Vous êtes bien trop cher pour le monde d’ici… »

« On n’a pas besoin de ces bébelles-là à Saint-Hippolyte » (Croissants frais et confitures maison pointés du doigt)

Paradoxalement

Eh oui. Paradoxalement, on entend soupirer : « Y’a rien ici à Saint-Hippolyte! ». Curieux. Pourtant, depuis quelques années, d’autres passionnés ont aussi démarré leur entreprise : toilettage et éducateurs canins, mécanique automobile, entrepreneurs, paysagistes, restaurants, traiteurs, fleuriste, massothérapeutes, naturopathes, salon de beauté, bijoutier horloger, boutique cadeau, café, pâtisserie-boulangerie, etc. Sans compter les grandes bannières, bien sûr. Nous avons la chance d’avoir les services d’un véritable bijoutier horloger de métier, dans sa boutique pimpante et chaleureuse. Un producteur de miel, un autre de sirop d’érable. Un torréfacteur qui nous propose des cafés de qualité supérieure sous la marque 62 Lacs Café. Nous avons un bar à smoothies des plus sympathiques (êtes-vous déjà entrés dans cet espace lumineux qu’est la Halte Nutrition? Wow!), une Barbière des lacs ultraqualifiée (gentille, douce, à l’écoute, drôle), des garagistes compétents et charmants…

Je manque de lignes, ici, pour nommer tout le monde. Des dizaines de commerces qui ne veulent qu’une chose : plaire à leur communauté, à leurs clients. Et que dire des nouveaux restaurants qui se distinguent? D’une fleuriste qui vous accueille les bras ouverts dans le Croissant des Hauteurs? Et que dire de moi-même, humble propriétaire d’un petit café de village, qui s’échine à vouloir le meilleur pour vous? Tout ça, juste à Saint-Hippolyte. Quand nous aurons fait le tour de tous ces commerçants, nous pourrons alors juger si, effectivement, nous n’avons pas « grand-chose » par ici. D’ailleurs, ça veut dire quoi pas grand-chose?

Que recherchions-nous au départ?

Au-delà de l’éternelle insatisfaction caractérisant certains consommateurs, rappelons-nous : pourquoi sommes-nous venus habiter ce pittoresque coin de pays? Que recherchions-nous au départ? Ne serait-ce pas la nature et le calme? Une municipalité doit choisir de quelle façon elle va développer ses attraits commerciaux, industriels, résidentiels… Elle se doit de maintenir un équilibre. D’un côté, il faut des biens et services pour répondre à un besoin de proximité. De l’autre, il faut respecter l’espace et la nature en contrôlant la pollution auditive, le mouvement de la circulation, etc. Car en venant vivre à Saint-Hippolyte, n’acceptons-nous pas d’emblée de nous éloigner un peu du centre commercial?

Magali

 

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#10 – Survivre dans la bonne humeur (Décembre 2023)

C’est connu : le commerce de détail, et particulièrement les micro entreprises, espèrent toujours pouvoir engranger des surplus dans la période faste des Fêtes de fin d’année. C’est parce qu’un monstre terrifiant nous attends au tournant et j’ai nommé « Janvier ».

Janvier nous glace le sang, nous fait faire des cauchemars, nous pousse vers d’abyssales réflexions quant aux objectifs financiers, aux projets d’expansion de l’entreprise et à la restructuration conseillée par le comptable. Janvier est froid, sans émotion, exténué et vide. Il souffle son haleine de frima sur un inventaire incertain, il s’installe bien droit devant la porte des magasins et fait fuir nos chers clients dans le Sud. Ou il leur susurre le montant de leurs dettes. Il leur rappelle leurs excès de décembre et tout cela, sans aucune considération pour le petit, tout petit commerçant qui grelotte.

Dans une bonne gestion, les coffres devraient être suffisamment pleins pour palier aux mois de vache maigre des débuts d’année. Mais bien sûr. Sauf que. Sauf qu’en décembre 2023, ce n’était pas aussi festif que souhaité. L’esprit de Noël s’est fait attendre jusqu’à la dernière minute et m’a appelé à la prudence. En ce qui me concerne, je crois ne pas avoir fait de dépenses immodérées pour la boutique. Au moment où j’écris ces lignes, j’entrevois encore une lueur d’espoir que la semaine de Noël soit fructueuse. Parce que sinon. Sinon…

Sinon Janvier aura eu raison des moindres économies et je me demanderai si je dois continuer à tenir mon café, à servir à manger, à sélectionner les produits chez les artisans pour que tout au long de l’année vous puissiez vous régaler. Ce n’est pas de la magie. C’est directement relié : pas de client, pas de vente, pas de Chez Hippolyte Café&Boutique. Et cette équation vaut pour tous les commerçants de la région, tous les restaurants, tous les artisans.

En même temps, demeurant solidaire avec tous les grévistes, empathique envers tous ceux qui ont moins de moyens, totalement et éperdument de tout cœur avec ces petites familles qui vont se serrer la ceinture pour réduire leur dette et équilibrer leur budget, je ne peux que me tourner vers mon petit bonheur et soupirer.

Soupirer d’un sentiment du devoir accompli. J’ai trouvé que ma boutique était magnifique. J’ai aimé chaque produit vendu, fière de sa qualité. J’ai fait travaillé cinq belles jeunes employées, leur permettant d’acquérir de l’expérience en plus d’un petit salaire. On a chanté, on a ri, on a mangé, on a échangé avec nos précieux clients.

Alors vous savez quoi? Janvier ne me fait plus peur. Qu’il ailler terroriser Amazon (on peut bien rêver!). Moi je vais vous accueillir en 2024, avec un sourire, un café et un sandwich.

De la musique qui vous fait voyager dans le temps.

Et avec beaucoup, beaucoup de bonne humeur.

Magali

 

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#9 – Quand Jésus prend un café avec le père Noël (Décembre 2023)

Par un beau mardi matin, Jésus avait donné rendez-vous au Père Noël autour d’un café au lait. Ils étaient heureux de se revoir, de bonne humeur. Après les salutations d’usage, l’intérêt porté à la santé de mère Noël et quelques commentaires légers à propos de la température et du dernier match du Canadien, Jésus demanda :

— Dites donc, mon ami. J’ai entendu dire que les célébrations entourant Noël seraient devenues trop commerciales? Il semblerait qu’on ne pense qu’aux cadeaux, que les enfants sont d’éternels insatisfaits, qu’on se fait un sang d’encre à propos des préparatifs du réveillon et que ce serait devenu une source de stress et de fatigue.

Père Noël souleva ses gros sourcils blancs. De sa belle voix grave :

— Je l’ai entendu dire, également. Mais est-ce vraiment la vérité?

— Ce serait exagéré, selon vous?

— Ah, mais oui! Nous savons tous deux ce que représentent les décorations, les cadeaux sous le sapin et la dinde dans le four… Ce sont de coûteuses dépenses, certes, mais non obligatoires pour célébrer. Il suffit de belles présences et de cœurs conciliants pour passer un bon moment. Mais pouvons-nous leur en vouloir d’espérer un peu de douceur et de luxe en cette fin d’année?

— Au détriment des vraies valeurs?

— Bien sûr que non. Est-ce qu’un jouet remplace l’amour porté à son enfant? Est-ce que les frais d’un repas fastueux effacent les querelles ressassées toute l’année? Poser la question, c’est y répondre. Je ne suis pas ce genre de père Noël. J’encourage le pardon et le partage. Je suis là pour rappeler la générosité qui sommeille dans le cœur de l’humain.

Jésus sourit.

— Il n’est pas question de faire votre procès et croyez-moi, par les temps qui courent, je ne me sens guère plus vertueux.

— Mon ami, reprit Père Noël, la foi donne mille et un outils à ceux qui souhaitent les utiliser; nous ne sommes pas responsables à tout coup du geste ou de la parole qui en résulte. L’humain doit se responsabiliser aussi. Il lui appartient de vivre la fête de Noël en accord avec ses valeurs, et non avec celles de la société. Ne pas donner plus gros ni plus cher que son voisin en allant au-devant de possibles déceptions enfantines qui, rarement, se manifestent. Ne pas s’endetter juste parce que c’est la mode et que la publicité nous fait croire que notre bonheur en dépend.

— Je ne voulais pas vous vexer, se désola Jésus.

— Je ne le suis pas. Cependant, quand on me dit que Noël est maintenant trop commercial, je me remémore toutes les œuvres de charité et les vagues de bonté qui se soulèvent à l’unisson. Je vois la promesse de ces instants magiques qui font rêver les enfants. Je vois tous ces commerçants, justement, qui travaillent sans relâche et qui espèrent que les ventes seront au rendez-vous. Bien sûr que les commerçants veulent vendre toujours plus: il en va de leur travail, de leur survie. Ce sont des emplois, c’est toute une économie qui tourne. Je ne veux pas vous vexer à mon tour, mais croire que l’on peut vivre d’amour et d’eau fraîche…

…est une utopie, je sais.

Ils se regardèrent.

— Que pouvons-nous faire? Et pour tous ces gens qui ne veulent pas participer à Noël?

Nous devons continuer à les inspirer. Les Fêtes de Noël ne sont pas une obligation. Mais devons-nous juger ou dénigrer ceux qui célèbrent? À chacun de vivre ces moments comme il l’entend. Cesserons-nous de souligner la Fête des Mères sous prétexte que certains ont perdu la leur? Bien sûr que non. Donner un cadeau, c’est agréable. Ça provoque quelque chose en dedans. Le plaisir de donner, ça s’inculque dès le plus jeune âge.

— Ça ne vous gêne pas, tous ces clones qui diluent votre message à la base si inspirant? Ne nuisent-ils pas à ce que vous tentez de propager comme parole bienfaisante?

Père Noël sourit.

— J’ai compris, avec les années, que c’est à l’adulte de protéger l’enfant à ce sujet. Si le jeune a visité les genoux de tous les pères Noël de la ville depuis le 22 novembre, et qu’il reçoit une babiole chaque fois, comment peut-il faire la distinction entre cela et la véritable nuit de Noël? Il en revient au parent d’expliquer la différence entre eux et moi. Et même un enfant qui ne croit plus que je puisse passer par la cheminée ou par la fournaise…

— Vous passez par les fournaises??

Père Noël bomba le torse et rentra son ventre.

— …Heu… c’est serré, mais oui, ça passe. Bon, alors même le jeune qui n’y croit plus a droit de rêver à un moment spécial. Il ressent l’amour que porte sa famille envers les invités attendus au réveillon, il est sensible à l’aura de bien-être, aux vacances, au fait que ses parents auront plus de temps à lui accorder pendant quelques jours… Et par expérience, il est très rare qu’un enfant soit déçu parce que le présent convoité n’était pas au rendez-vous, parce que la dinde était trop cuite… Les enfants ne nous en demandent pas tant.

— Vous êtes bien sage, mon ami.

— C’est votre naissance qui nous permet de fêter. Noël n’est pas la fête de l’hiver ni celle des sapins. C’est votre histoire. D’autres croyances se célèbrent au fil de l’année, partout sur Terre et de toutes les confessions. Elles ont toutes leur apparat, leurs coutumes et leurs inspirations. Et je pense qu’elles ont toutes un point en commun : l’Amour.

— Alléluia!

Magali

 

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#8 – Le droit de baisser les bras (Octobre 2023)

Septembre a été difficile, malgré une température étrangement extraordinaire. Un soleil d’été répandait cette satanée chaleur que nous avions tant attendue tout l’été. Perso, j’ai trouvé ça frustrant. Ce climat estival tardif faisait un pied de nez à nos coutumes saisonnières : retour au boulot, rentrée scolaire, inscriptions aux cours, résolutions diverses. On savait que le temps des gilets de laine et des mitaines s’en venait, nous sommes programmés depuis toujours à aller aux pommes par temps frais. Les costumes d’Halloween s’accrochent dans les boutiques spécialisées. On sort nos décorations d’automne, des feuilles d’érable multicolores et des citrouilles sur les bottes de foin. On commence à avoir hâte d’allumer le poêle à bois et de mijoter une soupe à l’oignon gratinée. Pourtant, septembre 2023 fut une succession de jours de canicule où on rêvait davantage d’un mojito frappé que d’un chocolat chaud extra guimauves.

Les microbes nous attendaient

Et pour moi, ce fut une succession de petits malheurs, de jours sombres, de défis, de changements stressants. Un mois de maladie pour tout mon clan, moi compris. Les microbes nous attendaient dans le détour et puisque notre système immunitaire avait baissé la garde après les vacances : et paf! Tous foudroyés! À un point tel que j’ai dû fermer boutique pour prendre du mieux et aussi soigner mes chérubins fiévreux.

À l’agenda de septembre avaient été inscrits des travaux de rénovation du local. Il fallait réaménager, réorganiser. Mais que se passe-t-il lorsque nous sommes malades? Que le corps ne veut pas suivre? Que la fatigue nous terrasse? Moi, je sombre dans la déprime. Je vois tout le travail en retard, tous les comptes à payer et l’argent qui n’est pas rentré. Je vois des clients déçus ou irrités parce que je ne suis pas à la hauteur. Je vois mes créanciers qui se foutent totalement de ma fièvre. Et plus je me fâche, plus je pleure, plus je me rends malade. Ma bonne alimentation prend le bord. J’ai du mal à dormir. Je suis écrasée par la pression.

Je baisse les bras. Je n’en peux plus.

Avons-nous encore le droit de trouver ça difficile? D’être submergée? Même si on est en bonne santé globale, qu’on est foncièrement heureux, que notre famille file le parfait bonheur et que nous n’avons aucune raison de nous plaindre? J’aurais voulu profiter de septembre et de son petit air de fiesta moi aussi. Aller sur les terrasses et jouer encore au golf. Mais entre deux nausées et deux biscuits soda, j’essayais d’être présente pour mes amours qui commençaient une nouvelle année à l’école. Quel septembre tout croche. Je ne me sentais pas en ordre nulle part. Comprenez-vous ce que je veux dire? Être en ordre, droite dans nos affaires, à temps dans les échéances. Au diapason de nos sacro-saintes résolutions. Les soupers de la semaine cordés dans le congélateur. En-or-dre!

C’était plutôt un septembre « en retard »

Hésitant. Décevant. Pourtant. Pourtant les clients m’ont communiqué une incroyable force, par leurs encouragements. Si moi, je ne voyais que les murs que je n’avais pas encore peinturés, les produits que je n’avais pas encore reçus, les recettes que je n’avais pas encore testées, eux voyaient tout le reste. Parce que j’en faisais quand même beaucoup, sans m’en rendre compte. J’avais déjà apporté de beaux changements au commerce dont j’étais plutôt fière.

Ensuite, octobre a filé comme l’éclair

Nous apportant enfin les odeurs de soupe mijotée dans son sillage. Si en septembre j’ai baissé les bras, octobre m’a redonné le goût de me retrousser les manches. Mes enfants ont fait des pas de géant à l’école. Il y a deux mois, Charles, première année, ne savait pas lire. Et maintenant, il sait. Il y a deux mois, je n’en voyais pas la fin. Je ne comprenais pas comment j’allais faire pour arriver à Noël en même temps que tout le monde. J’avoue avoir eu l’idée de fermer boutique. De tout arrêter. Je trouvais un mince réconfort dans l’idée qu’une autre vie serait tellement plus facile. Il y a deux mois, étais-je la seule à vaciller? Étais-je la seule étourdie par le trop-plein de la rentrée? La seule affaiblie?

Aujourd’hui, je regarde ma boutique pimpante (oui, il me reste toujours un mur à peinturer!), je cuisine avec intérêt, je m’amuse avec mes clients, je fais des projets. Et j’écoute Charles lire un livre à haute voix. Dans le fond, septembre n’était qu’un mauvais moment à passer. Et là, j’ai tellement hâte à Noël!

Magali

 

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#6 – Mais comment font-ils, les autres? (Juillet 2023)

Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance d’être invitée à un événement qui célébrait les 40 ans de notre journal Le Sentier. out le gratin journalistique, politique et culturel hyppolitois y était. On m’y avait conviée pour représenter, avec ma collègue Valéry, les gens d’affaires locaux. Certes, l’expérience était fort enrichissante. L’assemblée joyeuse partageait une fierté palpable d’avoir participé, au fil des années, à la création d’un journal de qualité. Les discours firent leur effet, les petites bouchées s’avalaient avec gourmandise…Une belle soirée.

Cependant, en écoutant les récits autour de moi, une chose me frappa: il revenait souvent dans les conversations le fait du bénévolat, du don de soi, de la générosité, de la passion. Tout autour, des enseignants, des gens d’affaires, des professionnels de tous les métiers, racontaient le plaisir qu’ils avaient eu à écrire pour Le Sentier, en parallèle avec leur « vraie » vie. L’expérience était unanime: formidable – agréable – inoubliable.

Je suis ressortie de cette soirée songeuse, poussant ma réflexion vers tous ceux qui savent brillamment cumuler travail, vie de famille et passion connexe. Une mère de famille qui trime dur avec son mari à la tête d’une entreprise, qui réussit à suivre leurs garçons à la pratique quasi quotidienne de leur sport et qui, en plus, trouve le temps d’écrire des articles pour le journal? Une étudiante qui cumule boulot, stage, organisation d’activités communautaires et qui parvient à livrer son texte mensuellement? Et même s’ils n’écrivent pas, comment font-ils, les autres, pour tirer toutes les ficelles de la vie sans ne rien échapper?

J’ai une vie si simple. Je la voudrais un peu plus compliquée, dans le sens où beaucoup de projets restent sur les tablettes par manque de temps. Pourquoi ai-je l’impression d’être la seule à rouler sur un cadran de 24 heures? J’entends amis et clients me parler de toutes leurs réalisations quotidiennes et ça me sidère! Pourquoi ne semblent-ils pas épuisés à 16h25, lorsqu’ils viennent m’acheter un pain pour accompagner l’osso buco qu’ils ont réussi à cuisiner, malgré des réunions interminables au boulot, la gastro du petit dernier et le spectacle de danse de la plus grande? J’exagère, mais à peine. Ils suivent un rythme de fou!

Lorsque j’étais enfant, mes parents étaient commerçants et travaillaient de très longues heures. En même temps, mon frère et moi avons suivi des cours de mannequinat, de diction, de claquettes, de judo, de natation…Notre vaste cour était entretenue avec la rigueur du Jardin Botanique. La maison brillait comme un sou neuf. « Mais vous étiez négligés, pauvres enfants! » me direz-vous? OH QUE NON! Les jeux de société le samedi soir, les sorties dans la famille au gré des fêtes annuelles, les visites dans les musées et les expositions, le tour de la Gaspésie, du Nouveau-Brunswick… Alléluia! Nous-n’avons-manqué-de-RIEN. Comment diable ont-ils fait? Je ne me l’explique pas. Par extension, le mystère s’étend à plus d’un siècle: comment réussissaient-ils, les ancêtres, à élever 12 enfants, traire les vaches aux aurores, labourer le champ, cuisiner le pain et les confitures, coudre les vêtements…??? Toujours dans des journées de 24 heures, ne l’oublions pas!

Aujourd’hui, j’analyse la vie que mon homme et moi offrons à nos enfants. Sommes-nous un modèle parental suffisamment dynamique? Sommes-nous des parents paresseux parce que nous aimons le confort et le ferniente? En quelle année pourrai-je terminer tous ces projets qui me font trépigner d’impatience? Des sages, proches de moi, me murmurent à l’occasion que je réalise beaucoup plus de projets que je ne le pense. Que je créé, je communique, je partage à ma manière, par le biais de mon implication auprès de mes 3 petits choux ainsi que par celui de ma boutique.

Oui, peut-être. Pourtant je voudrais tant être plus loin dans le processus. J’arrive bientôt à 50 ans. Soupir. J’ai parfois la sensation désagréable de ne pas avoir encore commencé à vivre. Tant de choses à voir, à dire, à découvrir, à goûter, à lire, à aimer ou à détester. Il m’arrive de croire que mon 9 ans accomplit plus de choses que moi dans une journée d’école et que ma 4 ans est gonflée à bloc après une simple journée à la garderie. Oui, parfois, en me comparant, je ne me trouve pas à la hauteur. Jusqu’à ce qu’un estimé client me demande, ébahi: « Mais comment faites-vous donc? Où trouvez-vous le temps d’écrire ces chroniques, de peindre vos menus, de gérer votre commerce et d’élever 3 enfants?! Est-ce qu’il vous arrive de dormir? ». Je souris. Quand on a les deux pieds dans l’action, on ne réalise pas tout de suite tout ce que l’on accomplit. Sans s’en rendre compte, en suivant le courant, en faisant de son mieux.

Peut-être que dans 40 ans, tout comme ces artisans du Journal Le Sentier, j’aurai moi aussi l’impression du devoir accompli, fière du chemin parcouru. Je serai sans doute une grand-maman, me berçant au coin du feu, et je demanderai à mon homme « Dis donc, te souviens-tu quand les enfants étaient jeunes? Le boulot, l’école, les activités, la boutique…Comment on a fait? »

Magali

 

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#5 – La fierté dans le coeur et dans le bedon (Mai 2023)

Dans une chronique précédente, je soulève la question « comment expliquer la fête de Pâques à mes enfants nonpratiquants? ». À l’approche de la Journée des Patriotes, cette année je me fais un devoir de raconter l’histoire avec une narration
facile à comprendre pour mes 4-6-9 ans. Au-delà des faits d’armes et prises de position politiques défendues par ces illustres
gaillards, fin des années 1830, je veux faire ressortir cette extraordinaire fierté partagée encore aujourd’hui par la majorité des
Québécois.

Une fierté de langue, même si nous la maltraitons un brin. Une fierté de culture, une fierté de gastronomie. Une fierté de
liberté de parole que bien d’autres nations nous envient en silence.

C’est donc sous cet angle que j’expliquerai le Jour des Patriotes à mes petits marsouins. Ils ne sont pas encore rendus à se
demander si le Roi Charles III a raison d’être leur souverain, aujourd’hui, en 2023. Il ne se demandent pas encore si leurs petitsenfants parleront français à vingt ans. Ils ne se soucient pas du poids écrasant que l’économie étrangère mets sur nos frêles
expertises commerciales. Quant à la précarité de notre identité culturelle, cela ne leur dit strictement rien.

Cependant je félicite l’école de mon grand, qui lui a appris à chanter Gilles Vigneault, en début d’année.

« C’est monsieur de la Misaine , qui dit qu’il est capitaine
Mais moi j’ai vu son bateau, naviguer dans le ruisseau
Barati Baratin, haut-fond
Un haut-fond dans son jardin …. »

Un effort à la fois, un détail, une parole, une citation reprise, redite, répétée…Une oeuvre à la fois…Signée par tous nos grands, qu’ils soient artistes, politiciens, citoyens engagés, mamans au foyer, papas débordés, enfants curieux…Notre société est si belle, une courte-pointe de coeurs qui se métissent.

Je veux dire à mes enfants que cette fierté n’est pas une exclusivité « made in Québec ». Nos chères Premières Nations
sont fières. Les Irlandais son fiers. Tout peuple doit défendre jalousement son droit d’exister. En particulier ceux qui frôlent
l’extinction, avalés, ose-je dire « colonisés »?

Battez-vous mes enfants, pour la survie de nos doits et libertés.

Vous êtes privilégiés, certes, de grandir sur une terre d’accueil magnifique, de connaître les 4 saisons dans votre jardin, de
crier et de pleurer selon vos émotions, de rire aux éclats, de pouvoir exercer le métier de votre choix, sans aucune restriction de race,
de religion ou de langue.

Battez-vous, chers enfants, pour que le sirop d’érable et la poutine continuent d’être engloutis par des bedons somme toute bien nourris. Accompagnez-les de houmous et de toutes les épices du moyen-orient. Ouvrez les bras à toutes les odeurs, toutes les saveurs. Répondez à tous les sourires du monde. Apprenez à parler plusieurs langues. Reconnaissez les droits de tout être humain et protégez la vie. Celle d’une plante, d’un chat ou d’un enfant. Assoyez-vous près d’une personne d’un autre âge et écoutez ce qu’elle a à vous dire.

Tout cela, faites-le en vous souvenant de votre petit coeur de québécois qui palpite dans votre poitrine.

« Je me souviens ». Cela vous dit quelque chose?

Vous n’êtes pas obligés de tout aimer. La voix de Félix Leclerc ne vous touchera peut-être pas. Mais l’avez-vous entendu ne serait-ce qu’une fois? À quoi ressemble celle de Richard Séguin, de Johanne Blouin, d’Alys Robi? Reconnaîtrez-vous une toile de Riopel?

Mais tout cela, beaux enfants, c’est à moi de vous l’apprendre. Certes, l’école a un rôle de mémoire. La société toute entière doit vous enseigner cette histoire qui est la nôtre. Et aussi vous faire découvrir ces technologies et leurs savants, bien québécois, qui font avancer le monde entier, en neuro-science, en intelligence artificielle et jusqu’à la NASA.

Mais pour la voix de Félix et le houmous au sirop d’érable, c’est à moi, votre maman, de vous les faire connaître. C’est moi qui vous éduque et qui doit prêcher par l’exemple. Car si moi, je n’aime rien de ce qui se fait chez nous, si je critique sans rien de constructif à la clé et si j’envie tout ce que font nos voisins en pensant qu’ils font toujours mieux que nous, comment pourrai-je vous convaincre de l’importance d’être fiers?

Fiers d’être Québécois.

Fiers d’être vous-mêmes.

Magali

 

Les chroniques d’Hippolyte

#7 – Cordonnier mal chaussé? (Août 2023)

Cette expression est connue de tous. Je suis membre de ce club pas très sélect qui attise en nous une certaine honte et son lot de regrets. Il y a le coiffeur au cheveu négligé, le professeur qui a du mal à faire aimer les devoirs à son enfant et le dentiste qui a une carie. Il y a le cardiologue qui fait du mauvais cholestérol et le designer d’intérieur qui n’a pas décoré son salon au goût du jour. Et il y a moi. Moi qui m’échine à faire les meilleurs sandwichs pour mes estimés clients, créant des boîtes à lunch gourmandes, et qui ne réussit pas toujours à transmettre cet intérêt épicurien à mes trois adorables (et difficiles) petits bedons quand vient le temps de dîner.

Ils étaient curieux

Il fut un temps où ils vouaient une passion pour les olives et le fromage bleu. Ils goûtaient à tout. Ils étaient curieux. Mon cœur de maman se gonflait de fierté. C’était le bon temps. Aujourd’hui, la vue du fromage bleu les terrifie. Aucun de mes enfants n’est contraint par une condition restrictive : pas d’allergie, d’intolérance, de maladie. Ils n’ont aucune excuse! Ils devraient se pâmer pour tout ce que le Guide alimentaire canadien a à offrir et remercier le Ciel (et leurs parents) de les nourrir avec autant de variétés!

Eh non! Bien que mon 9 ans revienne à une sélection d’aliments plus raisonnable, mon 7 ans et ma 4 ans ne jurent que par la crème fouettée, le chocolat, les croustilles et les frites. Et les pâtes, bien entendu. De la viande ? Si ce n’est pas dans un hot-dog ou un burger : beurk! Je réussis bien à leur faire avaler des fruits parfois, mais il ne s’agit pas de la vulgaire pomme qui va revenir brune dans la boîte à lunch au bout de quatre jours de va-et-vient. Oh que non! Ce serait trop facile. Ils vont plutôt opter pour TOUTES les framboises achetées à prix d’or, qu’ils vont engloutir en six minutes. Le melon d’eau a aussi la cote, je dois l’admettre. Parfois la banane, quand elle a la bonne couleur, la bonne texture. Et le concombre qui vient du potager. 3-4 fruits et légumes (sur 700 variétés) : pas si mal.

Parfois ça fonctionne, parfois non

Mais je suis injuste: ils raffolent aussi du poisson cuisiné maison. De bons omégas, me direz-vous! Alors je sais bien qu’à la fin d’une journée, avec les quarante-sept collations ingurgitées, ils mangent plutôt équilibré. C’est le sempiternel repas du dîner qui pose problème.

Même si je mets de la couleur, une présentation digne de magazines, avec les petits bonhommes créés de toute pièce avec du chou-fleur en guise de cheveux, les bleuets pour les yeux, alléluia! Même si je soigne chaque aspect pour que ça leur donne envie de goûter : parfois ça fonctionne, parfois non. Même lorsque je suis la bonne idée des nutritionnistes en « impliquant » mes enfants dans l’élaboration de ladite boîte à lunch, parfois ça fonctionne, parfois non. Leur propre sandwich revient intact! Ils se boudent eux-mêmes : faut le faire!

Alors je me dis que je dois leur faire confiance et qu’ils ne se laisseront pas mourir de faim. Charles dit qu’il avait moins d’appétit ce midi ? OK… Chloé préfère manger son sandwich en collation et sa barre tendre au dîner ? OK… Ils n’aiment pas les pommes, mais préfèrent les framboises ? Bon… On ajustera le budget. Ils ont tendance à manger le dessert, mais pas les carottes ? Alors je mettrai des carottes dans le dessert. Astuce, astuce.

La gestion de la boîte à lunch de mes chérubins me donne à réfléchir sur le menu que j’offre à mes clients. Je me dis que si moi, je rencontre ces difficultés, je ne suis probablement pas la seule. Alors je travaille à créer un menu de collations santé que je testerai sur mes petits en premier.

Le meilleur jambon-mayonnaise de ta vie!

Et quand j’ai un enfant devant mon comptoir, à la boutique, qui lève le nez sur mes sandwichs garnis de dinde fumée, de brie et de moutarde de Dijon, je ne m’en formalise pas.

« Qu’elles saveurs tu aimes avoir dans ton sandwich ? »

« Du jambon et de la mayonnaise »

« Tomates ? »

« Non »

« Laitue ? »

« Non »

« Super. Je te fais ça. Ce sera le meilleur jambon-mayonnaise de ta vie! »

J’ai généralement droit à un sourire. Je sais alors qu’il y aura un bedon heureux ce midi. Un bedon qui aura l’impression d’être respecté, d’être écouté. Un bedon à qui on a dit : tes goûts et ton appétit changent et c’est normal. L’important, c’est que tu manges.

Et peut-être que l’an prochain, tu aimeras le fromage bleu!

Magali